TRANSMISSION D’ENTREPRISE FAMILIALE : PACTE DUTREIL ET SOCIÉTÉ HOLDING

TRANSMISSION D’ENTREPRISE FAMILIALE : PACTE DUTREIL ET SOCIÉTÉ HOLDING

Publié le : 13/03/2024 13 mars mars 03 2024

Le pacte Dutreil est un dispositif fiscal français permettant aux dirigeants d’optimiser la transmission de leur entreprise.

Ce dispositif constitue un régime de faveur spécifique à la transmission d’entreprise par donation ou succession, permettant sous certaines conditions de bénéficier d’une exonération des droits de mutation à titre gratuit.

La mise en place de ce dispositif nécessite une prise d’engagement de conservation par le chef d’entreprise et ses héritiers.

En échange de cet engagement de conservation, le Pacte Dutreil offre des avantages fiscaux importants prévus par le Code Général des Impôts (CGI).

Quelles sont les entreprises éligibles à cette transmission ?

Le Pacte Dutreil s’adresse principalement aux chefs d’entreprise et à leur famille, dans le cadre de la transmission, par décès ou entre vifs : 
  • Soit d’une entreprise individuelle ;
  • Soit de parts sociales d’une société de personnes (ex : SARL, SCP…) ;
  • Soit d’actions d’une société de capitaux (ex : SAS, SA…).
La société́ dont les titres sont transmis doit exercer pendant toute la durée des engagements Dutreil une activité́ professionnelle (commerciale, libérale, agricole, artisanale ou industrielle). Les activités civiles sont donc exclues, y compris les activités de gestion de son patrimoine privé.

En présence d’une société́ exerçant une activité mixte, à savoir une activité́ éligible et une activité́ civile, la première doit être prépondérante afin de bénéficier du dispositif Dutreil.

Quel support à la transmission des titres sociaux ?

La donation-partage est l’instrument juridique idéal de l’anticipation successorale permettant au disposant d’organiser de son vivant la transmission de son patrimoine en composant les lots de ses héritiers, tout en figeant leur valeur.

Le chef d’entreprise transmet ainsi tout ou partie des titres de son entreprise à l’un de ses enfants pour leur valeur au jour de la donation, sans que la plus-value éventuellement dégagée après cet événement ne soit prise en compte dans les rapports entre cohéritiers au jour de son décès. Pour autant, et afin de bénéficier de cet avantage de fixation des valeurs des titres, il est impératif que l’ensemble des héritiers présomptifs consente à l’acte de donation.

Dans l’hypothèse où les cohéritiers ne souhaiteraient pas se voir attribuer des titres de société́ ou que le chef d’entreprise n’aurait pas d’autres biens à leur transmettre, une donation-partage avec soulte sera régularisée. Les titres de société́ seront ainsi attribués au repreneur à charge pour lui de désintéresser ses frères et sœurs par le paiement d’une soulte afin de préserver une équité au sein de la fratrie.
La transmission par donation pourra avoir lieu en pleine propriété́ ou avec réserve d’usufruit. Pour autant, dans cette seconde hypothèse, les statuts devront limiter le droit de vote de l’usufruitier aux décisions portant affectation des bénéfices afin de ne pas remettre en cause le régime Dutreil.

Quels engagements doivent être souscrits ? Par qui et quand ?

Pour bénéficier des avantages du Pacte Dutreil, certains engagements doivent être pris par le chef d’entreprise et ses héritiers (article 787 B du Code général des impôts) : 
  • Un engagement collectif de conservation (obligation contractuelle souscrite par un groupe de personnes visant à conserver des titres de société pendant une durée minimale) doit avoir été pris par le défunt ou le donateur, pour une durée minimale de deux ans avant la transmission (pour les sociétés non cotées : l’engagement doit porter sur au moins 17% des droits financiers et 34% des droits de vote / pour les sociétés cotées sur au moins 10% des droits financiers et 20% des droits de vote) ;
  • Les héritiers ou donataires doivent s’engager à exercer une fonction de direction dans l’entreprise ou leur activité professionnelle principale pendant la durée restante de l’engagement collectif et trois ans après la date de transmission ;
  • Au moment de la transmission, les donataires ou héritiers doivent prendre un engagement individuel de conservation des titres transmis pendant une durée minimale de quatre ans à compter de la fin de l’engagement collectif. 
En effet, l’un des éléments centraux du Pacte Dutreil est l’engagement de conservation des titres de l’entreprise transmise car pendant l’exécution de cet engagement, les titres ne peuvent être cédés qu’avec certaines restrictions. 

En l’absence de tels engagements écrits, il est toutefois possible de se prévaloir d’un engagement collectif de conservation réputé acquis, c’est-à-dire d’un engagement n’ayant pas été́ constaté par écrit antérieurement à la transmission. Pour cela, le donateur seul, ou avec son conjoint, partenaire ou concubin notoire devra détenir depuis plus de deux ans les titres de la société́ conformément aux seuils minimums légaux visés ci-dessus et exercer une fonction de direction au sein de la société́.

Le bénéficiaire de la transmission devra adresser au service des impôts, avec la copie de l’acte contenant l’engagement de collectif/unilatéral de conservation, une attestation de la société́ indiquant que les héritiers ont bien souscrit chacun l’engagement individuel de conservation de quatre ans. Une seconde attestation sera à fournir afin de certifier que les engagements individuels de conservation et l’engagement d’exercice d’une fonction de direction ont bien été́ respectés pendant toute leur durée, à savoir trois et quatre ans minimums.

Quels sont les avantages fiscaux d’un tel dispositif ?

En échange de cet engagement de conservation, le Pacte Dutreil offre des avantages fiscaux importants prévus par le Code Général des Impôts (CGI), notamment :
  • L’exonération des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) à hauteur de 75% sur la valeur des parts ou actions d’une société transmises par décès ou entre vifs (article 787 B du CGI) ;
  • Un abattement de 100 000€ en cas de donation par un ascendant à un descendant (article 779 CGI) ;
  • La réduction des droits de mutation à titre gratuit de 50% pour les donations de parts ou d’actions d’une société si la donation est faite en pleine-propriété avant les 70 ans du donateur (article 790 du CGI) ;
  • Un abattement de 300 000€ (sur option du donataire) sur la valeur du fonds (commercial, artisanal, agricole) en cas de donation en pleine propriété, de la clientèle ou sur la fraction de la valeur des titres représentative du fonds ou de la clientèle (article 790 A du CGI).

L’apport des titres à la société́ holding remet-il en cause le régime « Dutreil » ?

L’apport des titres concernés par les engagements « Dutreil » étant expressément prévu par la loi, il ne remet pas en cause cet avantage fiscal. Pour autant, certaines conditions cumulatives doivent être respectées, à savoir :
  • La valeur de l’actif brut de la société́ holding doit être composée de plus de 50 % de participation dans la société́ dont les titres ont bénéficié́ de l’exonération, pendant toute la durée des engagements.
  • Les 3⁄4 au moins du capital et des droits de vote de la holding doivent être détenus par les donataires au cours de l’engagement individuel de conservation.
  • La société́ holding doit être dirigée par l’un des donataires au cours de l’engagement individuel de conservation.
  • La société́ holding doit prendre l’engagement de conserver les titres apportés jusqu’au terme des engagements Dutreil.
  • Le bénéficiaire de l’exonération, désormais associé de la holding, doit conserver les titres de la holding jusqu’au terme des engagements Dutreil.

Quel est le coût de cet apport ?

Alors que les titres apportés à la holding par le repreneur à hauteur de ses droits dans la donation sont exonérés de droit d’apport, le surplus, correspondant aux titres à hauteur de la soulte due par le repreneur, sera assujetti aux droits de mutation des titres sociaux, à savoir 0,10 % en cas d’apport d’actions et 3 % en cas d’apport de parts sociales. Aucun impôt sur la plus-value ne sera dû, les titres ayant la même valorisation qu’au moment de la donation.

Exemple chiffré

Afin d’illustrer cette fiche pratique, voici un exemple détaillé et chiffré.

M. X a créé dans les années 90 une entreprise de maçonnerie. Il exploite cette entreprise avec son épouse, avec laquelle il s’est marié en 1985 sans contrat préalable à leur union. M. et Mme X, tous deux âgés de 65 ans, ont l’intention de céder leur exploitation à leur fils Pierre. Ces derniers viennent consulter leur notaire afin de liquider le montant des impôts dus en cas de donation en pleine propriété de l’entreprise. À ce jour, l’entreprise est valorisée à la somme de 2 000 000 €. Sur le matériel cédé, il reste un prêt en cours d’un montant de 200 000 €, que Pierre est disposé à reprendre.

Détermination du montant de l’assiette taxable des droits de donation : Valeur nette de l’entreprise cédée : 1 800 000 €.

Abattement partiel Pacte Dutreil (787 C du CGI) : 1 800 000 x 75 % = 1 350 000 €.

Assiette taxable globale : 450 000 €

Liquidation de l’impôt par parent :

Assiette taxable par parent : 450 000 € / 2 = 225 000 €

Abattement légal pour chaque parent au profit de Pierre : 100 000 €

Assiette taxable par parent : 125 000 €

Montant des droits selon le barème progressif de l’impôt.

Après application de la déduction des droits de donation prévue à l’article 790 II du CGI, le montant des droits par part transmise par chaque parent s’élève à la somme de 11 597 €. À titre de comparaison, à défaut d’option pour le dispositif de faveur prévu à l’article 787 C du CGI dit pacte Dutreil, le montant des droits dus par part transmise par chaque parent s’élèverait à la somme de 182 962 €.

L’économie réalisée est substantielle et le levier fiscal est significatif. En conséquence, il sera judicieux pour toute personne soucieuse de la transmission de son outil de travail de prendre conseil auprès de son notaire afin de la réaliser dans les meilleures conditions.

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